Mathématicienne de génie, ses calculs ont permis aux Etats-Unis de partir à la conquête spatiale. Pourtant, la carrière de cette afro-américaine est restée dans l’ombre jusqu’à ce que Barack OBAMA lui décerne, en 2015, la médaille présidentielle de la Liberté, l’une des plus hautes distinctions civiles des Etats-Unis. Katherine JOHNSON fut donc une figure de l’ombre. L’une de ces héroïnes que l’Histoire américaine a très longtemps “ignorée” mais qui a pourtant permis de lutter contre les barrières liées au sexe (être une femme) et à la ségrégation (être noire aux Etats-Unis). C’est parti pour le second portrait de mon challenge.
Parcours d’une femme incroyable : Katherine JOHNSON
De l’enfance aux études supérieures
Katherine JOHNSON est née en 1918 en Virginie occidentale aux Etats-Unis. Si sa mère était institutrice, elle doit probablement son goût du calcul à son père. Bûcheron, il avait la capacité de calculer quelle quantité de planches il pourrait obtenir d’un arbre juste en le regardant ! La jeune Katherine, quant à elle, comptait tout : des marches aux étoiles dans le ciel. Déjà très érudite, elle sauta plusieurs classes (du CE1 au CM2). Mais, l’école pour les personnes noires n’était pas chose aisée en Virginie occidentale. C’est pourquoi, les parents Coleman décidèrent de partir à 200 km de là pour permettre à leurs enfants de suivre de bonnes études. Son père accepta un travail de portier dans un grand hôtel et Katherine y apprit le français au contact d’un chef français. Très bonne élève, elle obtint son bac à 14 ans, puis son diplôme de mathématicienne à 18 ans. Mais les débouchés pour une mathématicienne noire étaient excessivement minces à l’époque.
Ses débuts professionnels
En 1937, elle obtient un poste d’enseignante dans un état ségrégationniste. Elle y exercera pendant 2 ans et se mariera à cette période avec James GOBLE.
En 1940, elle accepte de porter une action en justice pour avoir le droit de suivre des cours de licence dans une université normalement réservée aux personnes blanches ! Elle peut désormais s’inscrire en licence de mathématiques.
Elle doit cependant suspendre ses études pour se consacrer à sa famille et à l’arrivée de son premier enfant. Plus tard, son mari tombe malade et Katherine doit reprendre un poste d’enseignante.
Son arrivée au Langley Research Center
En 1953, suite à la parution d’une annonce, le couple déménage afin que Katherine rejoigne le Calcul Ouest (groupe de femmes calculatrices noires) au Langley Research Center du NACA, ancêtre de la NASA. Si aujourd’hui, les calculs sont réalisés par des ordinateurs, à l’époque, ceux-ci étaient faits par des humains. Le Langley Research Center étant situé dans un état ségrégationniste des Etats-Unis, les calculatrices étaient divisées en 2 parties : les femmes blanches dans la partie Est et les femmes noires à l’Ouest ! Après 2 semaines au sein du “Calcul Ouest”, et à seulement 35 ans, elle est affectée à la Division de Recherche en vol.
Fin 1956, son mari meurt d’un cancer du cerveau la laissant seule avec ses 3 filles. Elle doit surmonter son deuil et sa vie de mère isolée. Elle se remarie 3 ans plus tard avec James A. JOHNSON, sous-lieutenant dans l’armée.
Un contexte de guerre froide
La fin des années 50 marque un tournant dans l’histoire américaine. Les Russes, avec le lancement en 1957 du tout premier satellite Spoutnik prennent de l’avance sur les Etats-Unis dans la conquête de l’Espace. Cette prouesse soviétique est vécue par les Américains à la fois comme une menace et un camouflet. Elle conduit les présidents américains à faire de la recherche spatiale une nouvelle priorité : Eisenhower initie le programme Mercury, destiné à envoyer un américain en orbite. John Fitzgerald Kennedy met la barre encore plus haut avec le programme Apollo, qui lance les États-Unis à la conquête de la Lune.
Katherine JOHNSON au cœur de la conquête spatiale américaine
Son travail consiste désormais à calculer les trajectoires. Elle demande d’assister aux réunions de travail (alors que les femmes à cette époque n’y sont pas tolérées).
On assiste à l’arrivée des ordinateurs pour remplacer le travail manuel des calculatrices.
Considérée comme l’un des “ordinateurs humains” de la NASA, Katherine JOHNSON a effectué des calculs phénoménaux permettant, en 1961, de tracer le chemin du voyage du premier homme américain dans l’espace : Alan Shepard. Elle fut, plus tard, chargée de vérifier les calculs des « machines » et de donner le « feu vert » pour propulser John Glenn en orbite autour de la Terre en 1962.
Elle a aussi calculé les trajectoires d’Apollo-11 qui a fait de Neil Armstrong le premier homme à marcher sur la Lune en 1969, mais aussi la tr
ajectoire nécessaire pour ramener l’équipage d’Apollo 13. Et, avant de prendre sa retraite à 68 ans (en 1986), elle participa au programme de la navette spatiale.
Des figures de l’ombre enfin dévoilées au grand public
Bien que récompensée par la NASA pour son travail révolutionnaire, Katherine JOHNSON fut longtemps méconnue voire inconnue du grand public.
Par un livre en 2014
En 2010, Margot Lee Shetterly commence à faire des recherches sur les figures afro-américaines qui oeuvrent à la NASA. Ses investigations prennent tout leur sens du fait qu’elle soit la fille de l’un des premiers ingénieurs noirs à avoir travaillé à la NASA. S’en suit l’écriture d’un livre « Les figures de l’ombre » (Hidden Figures) qui reçut le prix du livre de la Fondation Alfred P. Sloan 2014.
Par le Président en 2015
Le 24 novembre 2015, à 97 ans, Katherine JOHNSON reçoit la Médaille présidentielle de la liberté décernée par le président Barack Obama.
Par un film en 2016
Publié en 2016, le récit historique de Margot Lee Shetterly est adapté au cinéma en 2017 et nominé pour les Oscars cette même année. Il retrace l’histoire incroyable mais vraie de Katherine JOHNSON et de ses collègues. Pour la première fois, sont mises en lumière les mathématiciennes et ingénieures noires qui ont participé au programme américain d’exploration spatiale.
Nous connaissons l’histoire de la conquête spatiale à travers des phrases iconiques : “Un petit pas pour l’hommes mais un grand pas pour l’humanité” de Neil Amstrong ou au travers des figures masculines mondialement saluées : Youri Gagarine, Alan Shepard, John Glenn…
Mais, je dois avouer que, sans ce film, je n’aurais probablement jamais pris conscience du travail acharné des physicien·nes, ingénieur·es, mathématicien·nes, qui permirent de conquérir l’Espace.
“Hidden Figures” (Figures cachées), elles le sont les trois héroïnes du film. On découvre l’incroyable trajectoire de Katherine JOHNSON, Dorothy VAUGHAN et Mary JACKSON, 3 afro-américaines qui dépassèrent les obstacles de l’époque grâce à leur détermination et à leur talent. Leur travail, pourtant vital pour la NASA, resta longtemps dans “l’obscurité” du fait qu’elles étaient femmes, noires, et donc exclues de l’Histoire de l’Amérique du XXe siècle.
Et depuis
En 2017, la NASA baptisa son nouveau centre spatial du nom de Katherine JOHNSON.
En septembre 2019 paraît le livre Combien de pas jusqu’à la lune, de Carole Trébor, qui raconte la vie de Katherine Johnson.
Le 24 février 2020, lorsqu’elle meurt à l’âge de 101 ans, la Nasa a rendu hommage à Katherine JOHNSON, à son génie ainsi qu’aux causes qu’elle a défendues toute sa vie : « C’était une héroïne de l’Amérique, une pionnière dont l’héritage ne sera jamais oublié », a écrit James Bridenstine, le patron de l’agence spatiale américaine.
Résumé de la vie de Katherine JOHNSON en quelques grandes dates :
Quelles leçons tirer de l’incroyable vie de Katherine JOHNSON ?
Katherine JOHNSON (sans oublier ses collègues) a marqué par ses compétences et sa personnalité. Elle représente un modèle. Car, même inconnue du grand public, Katherine JOHNSON a mené une vie hors du commun.
Après tout, a t-on besoin d’être connue pour être fière de soi ? Bien sûr que non !
Selon les critiques, le film serait plus romancé que le livre “Hidden Figures”. Quoi qu’il en soit, en regardant ce film,
- j’ai ressenti un immense respect pour toutes les femmes qui se servent de leurs compétences au service des autres ;
- J’ai découvert un monde de sciences qui m’était totalement inconnu ;
- J’y ai retrouvé des valeurs comme le sens du travail et la pugnacité.
Et toi, connaissais-tu Katherine JOHNSON ? Qu’est-ce que ce portrait t’inspire ? Au plaisir de lire tes commentaires. N’hésite pas à partager l’article si celui-ci t’a plu et à t’abonner à la page Facebook des Merveilleuses Jacquelines pour recevoir les prochains portraits.
par LaurA_Merveilleuses Jacquelines
sources : nasa.gov ; lemonde.fr ; rtbf.be ; zerodeconduite.net ; surlesépaulesdegéantes ; sciencesetavenir.fr ;
Je ne connaissais pas du tout. Très beau portrait et belle découverte. La vidéo est très émouvante quand on la regarde après avoir lu tout l’article.
Je suis ravie d’avoir pu te faire découvrir Katherine JOHNSON.
Moi non plus ne je connaissais pas, et oui les femmes peuvent faire de belles choses et rester dans l’ombre. Mais il faut que ça bouge..même s’il y a beaucoup d’amélioration.
Beau portrait. A quand le prochain?
Merci Andrée. En réalisant ce défi mon objectif est que chacune d’entre vous puisse piocher des éléments inspirants dans la vie des femmes présentées. Nous avons chacune une histoire, et nous pouvons se réapproprier notre vie en lui donnant la trajectoire qui nous correspond le mieux. Le prochain portrait doit être publié dans une semaine !! Je vais essayer de faire les publications chaque jeudi.
A bientôt et prends soin de toi