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Du Viol au Pardon, le chemin de Claire-Aurélie VÉRAQUIN | Portrait #14

Du viol au pardon, Claire-Aurélie VÉRAQUIN a accepté de livrer son témoignage aux Merveilleuses Jacquelines. Grâce à ce portrait, nous découvrirons combien la parole est importante lorsqu’on est victime de violences sexuelles. Nous verrons aussi que le pardon nécessite un vrai cheminement.

 

Bonjour Claire-Aurélie, pourrais-tu te présenter aux Merveilleuses Jacquelines ?

claire-aurélie veraquin du viol au pardon

Claire-Aurélie VÉRAQUIN, j’ai 43 ans. Je suis mariée depuis 20 ans. J’ai 2 enfants : Amalia, 21 ans et Laurine, 19 ans. J’habite un petit village de 350 habitants dans l’Eure (Normandie), près de Gaillon. Je suis enseignante en Lycée professionnel à Vernon (27) depuis 15 ans. Dans mon enfance, j’ai été victime d’inceste commis par mon père et ma mère a laissé faire : une histoire tragique mais tellement commune.

Lorsque j’évoque mon enfance et la relation qui me lie à mes parents, mes mots sont les suivants : « Mon père m’a violée et ma mère l’a laissé faire ». Dit comme cela, je l’avoue, cela fait froid dans le dos mais c’est pourtant la réalité de ma vie.

Ma mémoire me joue des tours, mais un jour, le diagnostic tombe et je comprends que je suis amnésique partielle de mon histoire, en dissociation permanente m’empêchant de faire la connexion entre ma tête et mon corps. C’est la vie de nombreuses victimes de violences sexuelles. Cette déconnection est due à la violence des sévices subis, c’est le choc post-traumatique. Cependant, si mon cerveau me détourne de toutes les horreurs que mes parents m’ont fait subir, mon corps n’a rien oublié des meurtrissures de mon enfance. En recollant les morceaux de ma vie, entre cauchemars et maux divers, j’ai l’intime conviction d’avoir subi, dès l’âge de deux ans et demi et jusqu’à mes seize ans, de multiples violences sexuelles et viols.

Accepterais-tu de nous en dire plus sur les violences que tu as subies ?

Toute ma vie n’a été qu’une succession d’autodestructions.  À l’âge de deux ans et demi, j’ai été hospitalisée durant une semaine pour une crise d’anorexie sévère. Mon corps pour la première fois a dit STOP. Je suis convaincue que j’ai dû subir une souffrance tellement intense que j’ai voulu mourir. Mais on m’a renvoyée chez mes parents qui m’ont obligée à toujours finir mes plats, peu importe le temps que je mettais. J’ai dû régulièrement manger, durant plusieurs jours, cette même assiette qui me donnait des hauts de cœur. J’avais à ma disposition des cruches d’eau pour aider la nourriture à descendre. L’important c’était d’avaler. Scénario que j’ai répété quelques années plus tard lors de mes phases boulimiques. J’ai même mangé par terre, dans le couloir avec le chien. Alors plus tard, inconsciemment, mon esprit a choisi d’exprimer ma détresse en m’imposant l’automutilation. Grattages à outrance sur mes bras, mes fesses et mes jambes sont devenus mon quotidien.

Malheureusement, mes agissements étaient une aubaine pour que mon père puisse continuer à me violer. En effet, ma mère l’avait chargé de me soigner en me badigeonnant de crème sur l’ensemble de mon corps. Chaque soir, il venait dans ma chambre me mettre de la crème, mon cauchemar continuait… Elle m’avouera vers l’âge de 17 ans qu’elle voyait que mon père avait des érections. Mais elle n’a rien fait.

Quand as-tu réussi à poser des mots sur le viol dont tu as été victime ?

J’ai parlé la première fois de mes souffrances à l’âge de 10 ans et demi à une cousine qui m’a demandé expressément de parler à ma mère. Elle m’a dit : « Je vais régler le problème ». Rien n’a changé. Elle a laissé faire et je me suis senti abandonnée. Mon seul moyen de survivre était de croire que j’aimais mon père, que lui seul était là pour moi.

Il venait me retrouver dans mon lit durant la sieste que j’ai été obligée de faire jusqu’à l’âge de 12 ans. Il prenait sa douche avec moi, m’embrassait sur la bouche, me faisait des chatouilles dans le dos qui dérapaient vers des caresses sur mes parties intimes. Mais il me couvrait de cadeau.

Ma première histoire d’amour est celle d’une relation incestueuse qui a détruit mon corps, ma tête, mon esprit et mon âme, comme 4 millions de personnes en France.

Ta mère restant muette, comment se sont déroulées les années suivantes ?

À l’âge de 15-16 ans, j’ai commencé à essayer de me libérer toute seule. J’ai commencé à le repousser. Un samedi, devant le collège, j’ai détourné la tête pour qu’il ne m’embrasse pas sur la bouche. Alors très énervé, il a démarré comme un fou. C’était l’automne, il y avait une immense flaque d’eau et il a éclaboussé tous les élèves devant le collège. J’ai ressenti une honte terrible. Je n’avais pas beaucoup d’amis. J’étais réservée et je n’ai jamais trouvé ma place au collège.

Un jour, j’étais en seconde, j’étais partie prendre une douche. Il est entré et m’a rejoint. Dans ce lieu, comme pour annoncer une rupture amoureuse, je lui ai annoncé que j’avais un copain. Ce soir là, je suis allée en boîte de nuit. Mon père m’y emmenait et venait me rechercher. Sur le chemin, il m’a annoncé comme pour justifier son amour pour moi que je n’étais pas sa fille. À partir de ce moment, nous avons eu des relations très violentes. Petit à petit, il s’est éloigné. Mes yeux se sont ouverts. J’ai vu qu’il faisait la même chose à ma sœur. Je m’en voulais. J’essayais de tout faire pour cela ne se passe pas. Ma mère était complice, c’était très difficile. J’avais beau alerter ma sœur, elle ne pouvait pas se sortir de ses griffes. Elle n’avait qu’une dizaine d’année.

sensibiliser aux violences sexuelles
crédit photo : association les enfants de tamar

Comment se construit-on à l’adolescence lorsqu’on est victime de violences sexuelles comme tu l’as été ?

Durant toute mon adolescence, j’ai mis un point d’honneur, inconsciemment, à ne rien faire voir. Au lycée, j’étais une jeune fille normale, heureuse. À l’époque, je m’enfermais dans mon sport, le judo. J’étais au moins reconnue par ce biais.

À l’adolescence, j’ai beaucoup souffert de ma morphologie et de mes 70 kg. Mais, au moins, personne ne venait se frotter à moi. Quand je rentrais à la maison, c’était l’enfer. C’est peut-être votre cas ou celui de personnes que vous connaissez. Quand on est victime de violence, on essaie de se cacher, de ne rien dire. Pour ma part, je n’ai jamais pensé parler à d’autres adultes. D’ailleurs, si ma mère ne m’aidait pas, qui aurait pu le faire ?

Cependant, aujourd’hui, avec le recul de 25 années, je suis sûre que ce n’est pas la bonne solution. Le secret est la pire chose pour une victime. Ce secret détruit l’intérieur. Il a de grandes conséquences dans la vie de couple, familiale, avec ses propres enfants, relationnelles, sociales…

Le 02 mars 1996, mon père est décédé, c’était l’année du bac. Enfin ma vie allait pouvoir être digne de ce nom ! Enfin, ce cauchemar allait être terminé et moi, libérée. Malheureusement, au contraire, ça n’a été que le début d’une grande descente aux enfers.

Au delà des terribles violences physiques, quelles ont été les plus plus grandes difficultés que tu aies eu à surmonter ?

La mort de mon père n’a rien changé car ma mère, complice de mon calvaire, était toujours là. À cela, s’ajoutait une pression : ne pas détruire la famille. Le poids du secret était insurmontable. De plus en plus, j’ai essayé d’en parler mais on n’y prêtait plus attention. On ne cessait de me dire : « Allez le passé, c’est le passé. Il faut que tu passes à autre chose… » Plus j’étais ignorée, plus je sombrais.

L’absence de reconnaissance des violences est due au déni de la réalité des violences sexuelles en général, et particulièrement de celles faites aux mineurs, notamment des incestes. Aujourd’hui, je suis certaine que s’ajoute à cela une tradition de sous-estimation de leur gravité et de leur fréquence.

C’est pour ça que je témoigne aujourd’hui sur ce blog et que j’ai créé l’association les enfants de Tamar.

Mes parents m’ont détruite tant psychologiquement que physiquement. Les violences sexuelles entraînent une spirale de conséquences graves pour la santé, à l’origine d’une grande souffrance, d’un isolement et d’un risque important de désinsertion socioprofessionnelle et affective.

Accepterais-tu de nous en dire plus sur l’impact que ce viol a eu sur ta vie de femme ?

Doucement, silencieusement, j’ai basculé et j’aurais pu ne plus être là…

En octobre 1999, quelques mois après la naissance de ma première fille, à l’âge de 23 ans, la boulimie a refait son apparition dans ma vie, avec une accentuation des états de brûlures extrêmes lors des toilettes quotidiennes. J’ai combiné cette pathologie à une boulimie de travail. Pendant que je me noyais dans le travail, je ne pensais pas à mes souffrances. Mais tôt ou tard, tout me rattrape : parothondythe et hyperthyroïdie. Ces maladies sont dues à trop de stress et/ou de fatigue. Aujourd’hui, ce sont des cicatrices, comme des souvenirs. Celles-ci me démangent encore de temps en temps, probablement pour que je n’oublie jamais d’où je viens et pourquoi je suis là.

Je me souviens de cette discussion, en septembre 2009, avec ma nutritionniste me proposant d’aller rencontrer une thérapeute avec qui elle avait déjà travaillé sur la problématique que je rencontrais. Elle avait compris depuis longtemps que ma gloutonnerie n’était pas seulement passagère, que les racines du mal étaient enfouies au plus profond de mon passé. Comme toutes les personnes ayant des troubles alimentaires, d’ailleurs. J’attendais beaucoup de cette rencontre même si, au fond de moi, j’avais peur de tout ce qui allait resurgir. En même temps, j’avais ce sentiment que, de toute façon, c’était la thérapie ou la mort assurée.

De plus en plus, des envies suicidaires me traversaient la tête. C’est aussi, à cette même époque, 20 ans plus tôt, que j’avais osé parler à ma mère des agissements de mon père, à l’âge de 10 ans et demi. Ce mal-être faisait aussi écho aux 10 ans et demi de ma fille ainée.  Je prenais soudain conscience que mon destin était là, derrière cette porte, mais je n’imaginais pas à quel point. Cette thérapeute a su m’écouter au cours des 12 dernières années. Après 3 débuts de prises en charge laborieuses, j’ai eu la grâce de rencontrer quelqu’un qui m’a accompagnée durant de longues années. Dans les moments où je pensais être guérie comme dans ceux où je « re-sombrais ». J’avais l’impression de faire un pas en avant et trois en arrière. Il faut prendre le temps de réparer son corps et son esprit.

 

Comment apprend-on à vivre avec ces douleurs ?

À travers mes lectures, mes formations et la connaissance de moi-même, j’accepte, tant bien que mal ma dissociation, mon amnésie et surtout encore ces pulsions qui surgissent quand le stress est trop fort. J’apprends à les libérer pour enfin reprendre le contrôle total de mon esprit.

Un jour, j’ai dû revoir ma mère, que j’avais évincée de ma vie depuis 4-5 ans. Plus la rencontre s’annonçait, plus mes troubles réapparaissaient. Alors, j’ai décidé de décrocher le téléphone pour enclencher une démarche en justice. Et là, alors que j’étais prête, c’était trop tard, j’avais dépassé le délai de prescription. Malheureusement, je ne pourrai jamais mettre mes parents devant les tribunaux ni pour viols aggravés sur enfants de – de 15 ans, ni pour non-assistance à personnes en danger (non-dénonciation de crime).

Pourtant, j’étais prête. Le soir où j’ai dû me retrouver en sa présence, les gens à cette fête, qui connaissaient parfaitement la situation, faisaient comme si de rien n’était. Ce soir là, j’ai juste eu envie de « tuer » tout le monde. En fait, j’ai eu l’impression d’être le vilain petit canard, celle qui dérangeait. J’ai donc pris la décision de couper définitivement les ponts avec ma famille toxique.

 

Comme tu l’évoquais, le secret est terrible. Est-ce pour cette raison que tu as choisi de parler ?

J’ai décidé de témoigner le plus largement possible car, comme moi, encore deux enfants par classe endurent ce crime familialSeulement 10% des victimes se décident à faire éclater la vérité et à porter plainte. La quasi-totalité ne dévoile jamais ce terrible secret et la moitié tentera de mettre fin à ses jours. Dans notre société, la culture du silence a encore de longues années devant elle. Ces violences sont tellement insupportables que notre monde préfère les taire ou les voir ailleurs. Les secrets enferment la victime mais aussi l’agresseur dans une spirale infernale provocant l’autodestruction, poussant le corps à réagir de manière de plus en plus visible aux yeux du monde. Aujourd’hui, des études de plus en plus nombreuses mettent en évidence les conséquences dramatiques, tellement différentes d’une personne à l’autre : dépression, destruction identitaire, suicide, obésité, cancer, endométriose, exclusion sociale, etc.

Dans l’immense majorité des cas, les agresseurs restent impunis. Ainsi, en France, 10% des viols font l’objet d’une plainte (12 000 /120 000), 3% font l’objet d’un jugement et 1% d’une condamnation (1 200 / 120 000). La loi du silence règne, c’est à la victime de ne pas faire de vagues, de ne pas détruire la famille, le couple, d’être loyale, compréhensive, gentille… et puis ce n’est pas grave, il y a pire ailleurs…

 

Par quel biais as-tu décidé de libérer ta parole ?

livre du viol au pardonMon témoignage a tout d’abord commencé par l’écriture de mon premier livre*, intitulé : « Mon chemin de guérison : Du viol au pardon », publié en 2015.  Cette écriture m’a permis de mettre des mots sur mes maux. J’ai pu aller à la rencontre de mes lecteurs, souvent des personnes ayant vécu de près ou de loin ce drame. J’ai pu observer que mon témoignage permettait de libérer la parole. En expérimentant cette libération auprès de mon entourage, je me suis parfois demandée si je n’attirais pas ce type de personnes.  J’ai de plus en plus évoqué ce sujet, dans le domaine professionnel, auprès de mes élèves et de nombreux jeunes.

Puis en octobre 2017, un premier évènement professionnel, m’a permis de remettre en lumière un projet que j’avais mis de côté, celui de créer une association pour venir en aide aux personnes victimes de violences sexuelles. En effet, comme je vous l’ai dit, je m’étais rendue compte qu’autour de moi, plusieurs de mes amies plus au moins proches avaient été victimes : de leur père, du cousin, du meilleur ami des parents.

Je pense que ma facilité à parler simplement de ce problème permettait de délier les langues. Malheureusement, certaines ne parleront pas ou très tard avec des conséquences sur leur vie personnelle et professionnelle. Depuis quelques années, plusieurs victimes d’inceste, de pédocriminalité ou d’agressions sexuelles se sont confiées à moi. J’ai pu les écouter, les aider et les accompagner.

Puis, lorsqu’une élève m’a fait part de remarques plus que douteuses d’un tuteur, cela a été un réél tournant. J’ai commencé à sonder mes collègues et je me suis aperçue que nombre d’entre eux avaient déjà remarqué chez des tuteurs des agissements qu’ils jugeaient « lourds ». Je n’en croyais pas mes oreilles : ils étaient conscients de ces agissements et laissaient sans état d’âme des jeunes entre les mains de professionnels irrespectueux. Je suis allée rencontrer le tuteur en question. Après une discussion très vive, j’ai pris conscience que j’étais prête. Prête à aller plus loin pour libérer la parole sur l’inceste, la pédocriminalité et toutes formes d’agressions sexuelles.

 

Tu étais donc prête à créer une association pour aider les personnes victimes de violences sexuelles ?

À l’époque, et malgré la beauté du projet, ma thérapeute m’avait dissuadée car elle pensait que je n’étais pas encore guérie et que c’était trop dangereux pour ma santé.

Mais, lorsque j’ai été prête, j’ai commencé à faire des recherches sur les différentes associations existantes. Je me suis beaucoup documentée.

J’ai commencé à rechercher des personnes qui seraient susceptibles de s’investir dans ce projet. En parallèle, et en réponse à l’incident précédemment vécu, j’ai proposé une journée de sensibilisation à la lutte contre le sexisme. A cette occasion, une élève est venue me parler pour évoquer les agissements de son beau-père. Je l’ai vécu comme un signe qui m’indiquait qu’il fallait vraiment se mettre en marche. J’ai discuté avec des policiers qui m’ont encouragée dans cette voie. Ils m’ont dit qu’ils avaient besoin de relais.

Durant une année, nous avons réfléchi, nous sommes allées à la rencontre d’associations et de professionnels. Aujourd’hui, je suis ravie de fêter notre deuxième anniversaire de création.

 

C’est en 2018 que tu as créé « Les Enfants de Tamar », peux-tu nous expliquer quel est l’objectif de l’association ?

enfants de tamar association qui lutte contre les violences sexuelles« Les Enfants de Tamar » est une association loi 1901. Nos activités revêtent donc un caractère non lucratif, laïque et apolitique. Notre siège se situe à Vernon. Notre but est d’aller parler partout, sans tabou, des violences sexuelles sur mineurs.

Nous avons créé cette structure car aujourd’hui, dans notre département (Eure), rien n’est proposé dans ce domaine précis. Il y a beaucoup d’associations d’aide aux femmes, d’accompagnement juridique mais rien n’est fait au sujet des agressions sexuelles en direction des mineurs.

 

C’est pourquoi, notre but est de :

Sensibiliser

Car le secret tue, il est nécessaire de libérer la parole et de permettre aux victimes, familles, amis, de reprendre le cours de leur vie. Il ne s’agit pas de dénoncer pour dénoncer mais de dénoncer pour se libérer et surtout se reconstruire. Par la sensabilisaion, l’objectif est de stopper ce déni sociétal pour protéger ceux qui arrivent. La sensibilisation passe aussi par des relais tels que les prêtres, les proviseurs, principaux d’établissements et élèves.

Informer

Parce que les chiffres parlent d’eux-mêmes, nous souhaitons parler partout et sans tabou des violences sexuelles commises sur les mineurs. Dans ce cadre, et en collaboration avec l’avocate de l’association et une psychologue, nous proposons au grand public des ciné-débats autour des films « Les Chatouilles » ou « La Consolation ».

Nous organisons, par ailleurs, des temps d’échanges autour de mon témoignage et intervenons notamment lors de colloques d’étudiants normands.

Nous proposons aussi des actions de formation afin que le public puisse comprendre les conséquences des violences sexuelles psychologiques, physiques et sociales.

Les violences sexuelles en quelques chiffres :

    • 3 millions de victimes ;
    • 2 enfants / classe ;
    • 1 enfant sur 2 tente de se suicider ;
    • 60 % des victimes de viol sont des mineurs ;
    • 90 % des victimes sont des victimes d’incestes ;
    • dans 94 % des cas, l’agresseur fait partie de l’entourage ;
    • 55 % des victimes ne parlent pas.

Accompagner

Écouter, aider et orienter les victimes et les familles vers des professionnels de la santé, des psychologues, des avocats, etc.

En septembre 2021, si les mesures sanitaires nous le permettent, nous proposerons aussi un protocole d’accompagnement des victimes par des groupes de parole et des ateliers qui auront pour objectif de libérer les victimes et les aider à se reconstruire.

Agir au sein des institutions

En septembre 2020, nous avons décidé d’intégrer le Collectif pour l’Enfance qui regroupe 32 associations afin de demander que soit réellement adopté un âge légal du consentement. Autrement dit, que soit reconnue par la loi l’incapacité d’un enfant de moins de 15 ans à donner son consentement à une atteinte sexuelle commise par un majeur, et l’incapacité d’un enfant de moins de 18 ans à donner son consentement à une atteinte sexuelle à caractère incestueux.

libérer la parole sur les violences sexuelles
crédit photo : association Les Enfants de Tamar

Grâce à ton témoignage, nous comprenons à quel point la situation est tragique. Comment faire si l’un·e de nos lecteur·rice·s souhaite aider l’association ?

Vous pouvez :

  • solliciter une intervention ;
  • rejoindre notre réseau de professionnels ;
  • nous soutenir financièrement, en adhérant à l’association pour soutenir la cause ou en faisant un don déductible des impôts.

Par vos dons, vous aidez l’association à financer ses frais de fonctionnement, ses actions d’information et de prévention. Mais aussi, vous nous permettez de réaliser l’un de nos souhaits les plus chers qui est de pouvoir aider les victimes dans leur parcours de reconstruction sans que l’argent soit un frein (structure d’accueil et d’écoute, groupe de parole, accès à des professionnels de la santé, conseils juridiques…).

 

Le titre de ton livre est « du viol au pardon ». La question qui me vient à l’esprit est de savoir ce qu’est le pardon ?

Cette question me tourmente depuis quelques années. Quand j’étais plus jeune, pardonner me semblait impossible tant j’ai été blessée et humiliée. Pour moi, cela impliquait obligatoirement que je devais oublier le mal qui m’avait été fait et côtoyer à nouveau ma mère ainsi que tous ces gens complices par leur silence. Aujourd’hui, mon cœur est ouvert à la perspective d’un possible pardon. Par cet horizon, j’ai été rétablie dans mon humanité, restaurée dans ma dignité. Pour m’aider à avancer sur ce chemin difficile, des personnes formidables ont su ouvrir mes oreilles et mon cœur.

Finalement, je comprends que le vrai pardon c’est accepter que mes cicatrices ne disparaissent pas mais qu’elles se transforment en quelque chose de positif. Un jour, une amie m’a envoyé une vidéo qui présentait le Kintsugi, l’art de réparer des objets avec de l’or pour les rendre plus beaux. Ainsi, au Japon, quand un bol est cassé, on comble ses fissures avec de l’or, créant, ainsi, un magnifique objet. Cet art révèle la beauté dans ce qui a été brisé. Quand un objet a subi des dommages, il a une histoire, cela le rend plus beau. Il en est de même pour nous. Tout ce par quoi nous sommes passés, nos épreuves, nos luttes, nos blessures, ne rendent pas nos vies plus laides, même si c’est que nous ressentons lorsque nous les traversons. Nous pouvons choisir de remplir ces failles avec de l’or (Amour, Bienveillance, Bonheur,…) et les rendre plus belles. Nous ne sommes pas irréparables ! Il est possible d’apprendre de ces circonstances difficiles et de devenir meilleur. Nous pouvons porter fièrement nos cicatrices car cela fait partie de notre histoire. Chaque épreuve a du sens. Nos blessures peuvent nous transformer et nous faire rentrer dans notre véritable identité.

qu'est-ce que le pardon

Et toi, as-tu réellement réussi à pardonner ?

Lorsque j’ai choisi le titre de mon premier livre*, « Mon chemin de guérison : du viol au Pardon », je croyais avoir définitivement pardonné, sans pour autant oublier. Je m’aperçois aujourd’hui qu’il n’était qu’apparence et espérance. Pardonner prend du temps. On pourrait comparer ce processus à celui d’un deuil. Je crois que c’est un long travail de maturation qui s’opère en moi depuis des années.

En ce qui me concerne, la démarche de pardon est unilatérale. Pour ma mère, elle supposerait de regarder en face le mal qu’elle a commis et d’en assumer sa responsabilité ; ce qui n’est absolument pas le cas. Elle n’émet aucun regret. Lors d’un entretien avec ma thérapeute, elle a même affirmé qu’elle referait les mêmes choix si elle devait revivre la même situation. Durant toutes ces années de séparation, j’aurais pu espérer qu’elle chemine de son côté, qu’elle réfléchisse à ses choix et leurs conséquences pour reconnaître enfin ma souffrance. Malheureusement, il y a quelques semaines, elle s’est encore permise de semer le doute et de se dédouaner. Elle est toujours enfermée dans sa propre victimisation me rendant responsable de son malheur et de celui ma sœur. D’après ma thérapeute, ma mère est pathologiquement « perverse », ce qui rendra très difficile la reconnaissance du mal qu’elle m’a infligée ou qu’elle a laissé faire. Malgré tout, je désire lui pardonner.

 

La question sous-jaccente est finalement de savoir si l’on peut TOUT pardonner ?

Il est vrai que j’ai été touchée par une offense grave. Il m’a fallu beaucoup de temps pour sortir de l’univers clos de l’amertume, de la haine et de la rancune. Lorsque j’évoque ma démarche de pardon et tous les sentiments négatifs que je dois affronter, je m’aperçois à quel point ils sont de puissants obstacles à mon avancement, à ma guérison. Malgré tout, ces temps me transforment. Ils sont douloureux mais inéluctables.

Un jour, lors d’une discussion, un ami m’a dit : « Mathilde*, l’absence de Pardon bloque les freins de ton vélo. C’est comme si tu avais verrouillé les freins et donc tu pédales dans le vide et/ou tu tombes ». Ces paroles résonnent dans mon cœur comme une évidence. Il est clair que le Pardon est la seule voie de l’acceptation, celle qui va me permettre de me libérer de ma souffrance, de poser un sac trop lourd.

Pardonner, ce n’est pas oublier. Je ne pourrai jamais oublier les négligences, les sévices, les humiliations que mes parents m’ont fait subir. Je ne pourrai jamais oublier la part de responsabilité que tous leurs amis et les membres de la famille ont eu vis à vis de moi, en gardant le secret. Pardonner n’est pas non plus nier. Aujourd’hui, je peux raconter sans honte ce que mes parents m’ont fait. Durant de nombreuses années, je n’arrivais pas à poser les mots adéquats sur leurs sévices. Aujourd’hui, je peux le dire et l’écrire : « J’ai été violée par mon père, et ma mère n’a rien fait, malgré sa parfaite connaissance des faits ». Je n’ai plus honte. Je ne me sens plus responsable non plus. Chacun doit prendre ses responsabilités et vivre avec. Durant de longues années, j’ai minimisé les actes de mes parents ou leur ai cherché des excuses. Aujourd’hui, je suis consciente que je suis encore amnésique d’une partie de mon histoire, mais j’ai la certitude que ce que j’ai vécu a été plus grave que ce que je voulais l’admettre. Ce déni, dû au choc post traumatique, n’a fait qu’amplifier ma souffrance et m’enfoncer encore plus dans ce gouffre.

 

Claire-Aurélie aurais-tu un message positif à faire passer à nos lecteur·rice·s ?

Jusqu’alors sacrifiée par le déni familial, le mépris du monde, remplie de souffrances ravageuses et destructrices qui m’ont conduites à la dépression, à des envies suicidaires, à des pulsions meurtrières et à la somatisation, réduisant mon espérance de vie de vingt ans, je ne peux que témoigner que le corps n’oublie rien. Il faut l’écouter pour lui permettre d’exister. Aujourd’hui, grâce à des rencontres merveilleuses, ma vie est remplie de joie, de paix et d’espérance.

Alors, j’ai envie de vous dire : « Oser poser les mots sur les maux, c’est se libérer ».

Le chemin est long et sinueux mais je suis certaine que ce que je vis aujourd’hui est aussi la vie promise pour chacune des victimes.

 

Merci Claire-Aurélie

Quel parcours, quel courage ! Pour être sincère, le témoignage de Claire-Aurélie m’a émue, m’a transpercée. Chaque mot, chaque phrase porte le poids de la douleur. Je suis tellement admirative de sa force et de son ardeur pour accompagner celles et ceux qui, comme elle, ont souffert. Souffrir dans son être, souffrir dans sa chair jusqu’à vouloir mourir. Mais se relever pour renaître. Quelle preuve de résilience. Et quel don de soi ! En créant les « Enfants de Tamar » et en portant haut son message, Claire-Aurélie contribue à libérer la parole. Bien que les violences que nous évoquons dans cet article soient abominables, je vous assure que Claire-Aurélie diffuse une énergie positive incroyable. Souriante et vivante, elle partage son histoire sans s’apitoyer. Quelle personne lumineuse j’ai découvert ! MERCI Claire-Aurélie.

J’aimerais aussi remercier Aurélie Pommier qui a eu la gentillesse de m’écrire pour me dire à quel point rencontrer Claire-Aurélie VÉRAQUIN l’avait touchée. Merci pour cette belle mise en relation. Pour mémoire, Aurélie est l’une des Sist’Eure dont le rêve est de partir en Argentine pour une aventure humaine et humanitaire.

 

Pour conclure, j’aimerais vous livrer la jolie définition du PARDON que l’on m’a, un jour, transmise

Pardonner ce n’est pas oublier ni excuser. Le PARDON (PART…DON) c’est reprendre « la part de nous que l’on a donnée ». Reprendre cette « part de nous » pour avancer et reprendre notre vie en main.

 

Si le témoignage de Claire-Aurélie VÉRAQUIN vous a ému·e·s, partagez et likez le plus possible pour faire connaître cette cause.

Et pour retrouver L’Association « Les Enfants de Tamar » sur les réseaux, vous pouvez suivre les liens suivants :

*Mathilde DÉSANGES est le pseudo d’auteure de Claire-Aurélie VÉRAQUIN.

Voilà un nouveau témoignage très inspirant que je suis heureuse d’avoir partagé avec vous. Pour retrouver nos précédentes Merveilleuses Jacquelines, rendez-vous sur le blog à la rubrique « Rencontres d’Ici & d’Ailleurs« .

 

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2 commentaires

  1. Delamare a dit :

    Vraiment un grand bravo Claire Aurélie d’avoir osé parler et braver la famille. Comment une mère qui sait que son mari viol leur fille, laisse faire ,c’est immonde, elle ne mérite pas d’être une maman., elle est aussi coupable que ce soit disant père . Effectivement il faut parler mais il faut être entendu.
    Un grand bravo pour votre association Claire Aurélie.

  2. Merci à toi, LaurA de nous faire découvrir ces belles personnes. Et un grand merci à Claire-Aurélie Véraquin pour le travail qu’elle fait autour du viol des enfants. C’est un exemple stupéfiant des résultats de la résilience. Je suis toujours incroyablement touchée par les personnes qui non seulement se reconstruisent après un trauma mais qui en plus, réussissent à le transformer pour venir en aide aux autres.

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